J’ai eu l’occasion de le mentionner à plusieurs reprises dans divers précédents numéros de Citronium, la pandémie a eu cela de positif qu’elle a considérablement boosté l’innovation dans le domaine du travail – ou, plus largement, de la représentation de soi – à distance, qu’il soit télétravail ou travail hybride.
D’un côté, les plateformes et services existants ont dû améliorer et perfectionner leur offre, se livrant une concurrence acharnée, souvent matérialisée par une surenchère permanente d’annonces de nouvelles fonctionnalités. Rappelons au passage que Zoom est passé en à peine un trimestre de 10 à 300 millions d’utilisateurs début 2020…
De l’autre, nombre de start-up ont vu le jour, ou ont profité de ce moment pour en faire leur quart d’heure de gloire, montrant leur créativité et leur agilité à inventer de nouveaux services face à des mastodontes comme Zoom, Google Meet ou Webex.
Quand on parle d’innovation dans le télétravail et le coworking, on pense évidemment en priorité aux géants susnommés et à leurs services respectifs de visioconférence, mais ils ne sont plus les seuls sur ce secteur où beaucoup de choses restent à inventer.
Software, hardware, Cloud, réalité augmentée, 3D… En fait c’est tout un écosystème qui est en train de prendre forme et de s’organiser, avec ses technologies, ses usages, ses codes et son jargon, et c’est passionnant.
Tour d’horizon de l’innovation et de la Tech appliquées aux nouveaux modes de travail.
Du matériel de plus en plus spécialisé, pour tous les usages, même les plus inattendus
Si les plateformes innovent et cherchent à proposer un usage toujours plus facilité de la visio, tout n’est pas qu’affaire d’algorithmes. Qu’en est-il en effet du hardware ? Dans ce marché en pleine croissance, on entend peu parler de cette partie de l’équation qui paraît pourtant indispensable à l’émergence de nouveaux usages.
De la webcam au laptop, il n’est plus un seul géant du hardware qui n’ait désormais à son catalogue un ou plusieurs équipements “dédiés au télétravail”. Je mets des guillemets car, si certaines offres sont réelles et pertinentes, il y a aussi un peu de bullshit dans ce secteur, où l’on a vite fait d’apposer un sticker “télétravail” sur n’importe quel produit pour surfer sur la hype. On ne changera jamais les marketeux.
Paradoxalement, c’est sur les produits les plus demandés que l’innovation est la moins active. C’est le cas par exemple avec les webcams qui, à part une amélioration de la qualité et de la résolution de l’image, n’ont pas vraiment connu d’innovation de rupture. De fait, les webcams, qui sont pourtant au centre du dispositif, en constituent souvent le maillon faible. Il y a évidemment des solutions à cela. Il ne faudra pas hésiter à investir dans une webcam externe (par exemple une Logitech de la gamme 920 ou Brio) et pourquoi pas dans un micro-cravate (Rode SmartLav + par exemple).
Parmi les webcams proposant de réelles innovations, on peut mentionner la Lumina, dopée à l’intelligence artificielle, qui propose une qualité d’image supérieure (4K) avec des fonctionnalités aussi esthétiques qu’utiles, comme le flou d’arrière-plan, un mode “cameraman”, ou encore la calibration des couleurs à l’aide d’une palette physique fournie. En outre, l’objet est très compact, et il est doté d’un design épuré très réussi.
Moins sophistiquée mais sortant aussi du lot, la Razer Kiyo Pro et son design tout en rondeur.
Pas vraiment une webcam, mais l’usage s’en approche : OBSBOT Me est un pied articulé et intelligent pour smartphone capable de suivre les déplacements du sujet tout seul comme un grand. Compatible avec n’importe quelle app vidéo, il obéit aussi aux commandes gestuelles, notamment pour lancer ou arrêter un enregistrement. Idéal pour une visio vivante
Toujours côté hardware, on a ce monitor dédié à la visio de Samsung, intégrant webcam et haut-parleurs, ou encore ce kit Google Series One Desk 27, une solution de téléconférence multifonctionnelle pour les professionnels qui cherchent à équiper leur poste de travail de tout ce dont ils ont besoin pour rester connectés. Lenovo propose aussi sa solution, ThinkSmart Core.
Quant à Logitech, si la marque n’a pas encore révolutionné le secteur de la webcam dont elle compte pourtant parmi les pionniers, son offre dans le secteur du hardware dédié au distanciel est aussi variée que solide.
La webcam sans webcam
Pour trouver de l’innovation dans le secteur de la caméra pour visioconférence, il faut peut-être jeter un œil côté logiciels et applications.
Même si l’offre n’est pas pléthorique, le secteur s’est un peu mis en ordre de marche au cours des deux années écoulées, avec plus ou moins de bonheur.
On parle ici essentiellement d’applications qui permettent de transformer un smartphone, un appareil photo ou une GoPro en webcam. Du côté des appareils photo, Canon a ouvert le bal il y a environ 18 mois en proposant un petit utilitaire à installer sur son ordinateur qui convertit le flux de certains APN de la marque en image live compatible avec toutes les plateformes de visio. Vous pourrez alors faire une conférence via Zoom ou Meet avec la qualité d’image de votre meilleur reflex, via un simple câble HDMI. De nombreux autres constructeurs ont suivi, comme Sony et Panasonic, entre autres.
Mais le plus intéressant se trouve peut-être dans ces applications iOS ou Android qui transforment un smartphone en webcam. Les trois plus connues sont certainement EpocCam (qui intègre les Lenses de Snapchat), iVCam et DroidCam. Cela étant, pour les avoir toutes testées intensivement, je n’ai jamais été convaincu par leur fiabilité, ni par leur interface, ce qui peut s’avérer très pénalisant dans le stress d’une visio. À bien essayer et paramétrer avant, puis croiser les doigts pendant le stream.
Pour tout vous dire, je les ai même toutes virées de mes smartphones (je dis “mes” pas pour faire genre, mais parce que j’ai un iPhone en appareil principal et un Android pour divers tests), car j’ai trouvé il y a quelques mois LA perle absolue, j’ai nommé Camo de chez Reincubate. Eux, ils ont tout compris. Le pack comprend une app pour iOS (et bientôt Android) et un utilitaire Pour Windows ou macOS. Et c’est une pure tuerie, de par la facilité de prise en main, l’ergonomie de l’interface, le fonctionnement sans faille et d’une fiabilité absolue, et surtout la multitude de réglages et la qualité de l’image. Si vous connectez un iPhone 11 Pro, 12 Pro ou 13 Pro par exemple, vous pouvez choisir parmi les 4 objectifs (!) et même activer le mode portrait de l’appareil pour une vidéo au look pro avec un magnifique fond flouté très précis et nuancé à l’aspect laiteux qui renvoie les floutages baveux de Zoom et autres plateformes au rang de sympathiques gadgets préhistoriques. Je vous passe les innombrables autres paramètres d’amélioration de l’image (exposition, colorimétrie…) le tout réglable en live. L’app coûte 82 euros (ou en 40 euros par an si vous choisissez une formule par abonnement, ou même 5 euros par mois si vous voulez juste tester quelques semaines avant d’acheter). Deux fois moins cher qu’une webcam de milieu de gamme. Si vous avez un bon smartphone, foncez.
Côté floutage (c’est à la mode et c’est pratique pour la confidentialité), rappelons les alternatives pour modifier son arrière-plan pendant une vidéoconférence. Des petits logiciels comme XSplit VCam ou Chromacam (tous les deux payants) font très bien le job, avec une petite préférence pour XSplit, dont le niveau de floutage – très réaliste au demeurant – est réglable. Une fois installés, ces applications pour Windows et MacOS deviennent des caméras virtuelles que vous pouvez choisir dans la liste des caméras de votre PC, à la place de votre webcam, à partir de Zoom ou toute autre application de vidéoconférence.
Le hardware n’est pas qu’une affaire d’informatique
Quand on pense hardware, on pense souvent ordinateurs et leurs périphériques. Mais le matériel dans le contexte du télétravail et de la visioconférence ne se limite pas à cela.
On l’a vite compris avec les confinements, travailler à la maison (ou à distance dans un tiers lieu) ne s’improvise pas, et nécessite d’autres équipements qu’un simple laptop. Car on a tendance à l’oublier, mais le confort et l’ergonomie sont fondamentaux et participent aussi au bien-être et donc à la productivité.
Là aussi les fabricants se sont rués sur ce marché prometteur, et chacun y va de son offre ou de son innovation pour nous rendre le télétravail plus facile.
Outre le fait d’avoir une bonne souris (de préférence sans fil), un bon clavier (si possible aussi sans fil et relativement silencieux) et un écran qui évitera la fatigue oculaire, le télétravailleur organisé et efficace n’hésitera pas à investir dans un support pour son laptop comme ce stand Boyata ou ce Cushdesk de Belkin s’il travaille sur canapé.
Côté écrans, l’innovation provient certainement de la possibilité de travailler à distance sur plusieurs écrans pour améliorer son confort et sa productivité. Plusieurs outils sont disponibles, comme cet AirView Wireless Touchscreen qui va répliquer via WiFi l’écran de votre smartphone sur un monitor de 13,3 à 15,6 pouces. Pratique en déplacement pour travailler à l’hôtel sans emporter son laptop, ou en complément de celui-ci. Ou encore ce OFIYAA P2 Portable Monitor Laptop Screen Extender ajoutant 2 écrans à celui de votre laptop d’un simple clippage.
Les plateformes de visioconférence, l’innovation non-stop
Nous l’avons vu, depuis le début de la pandémie, les grandes plateformes de visioconférence ont connu une croissance sans précédent. Et cela ne s’arrêtera pas avec la fin (espérons) du COVID-19.
Les nouveaux modes de travail induits par cette crise se sont solidement installés et sont là pour durer.
C’est la raison pour laquelle les Zoom, Meet et autres Teams investissent lourdement dans le secteur, tirant l’innovation à bout de bras.
En fait, les termes de visioconférence ou de télétravail sont presque réducteurs, car ils couvrent une réalité beaucoup plus vaste : celle qui consiste pour plusieurs personnes à communiquer à distance et de façon dématérialisée comme si elles étaient dans le même lieu, avec idéalement les mêmes conditions de qualité visuelle et sonore. C’est pour cela que je parlais récemment de “téléportation” (qui, avec la télépathie, sera peut-être le stade ultime de la dématérialisation des rapports humains, mais c’est une autre histoire). Une idée du métavers, dont je parlerai plus loin.
Google Workspace vient d’intégrer une nouvelle fonctionnalité dans Meet qui fera plaisir à celles et ceux qui visioconférencent à l’international sans forcément maîtriser toutes les langues en présence : les traductions instantanées avec affichage en sous-titre. Lorsque cette fonction est activée, l’application traduit automatiquement la langue parlée dans une autre langue et produit des sous-titres à la volée. Pour le moment, la fonction ne prend en charge que les réunions en anglais, qui peuvent être traduites en espagnol, français, portugais et allemand.
Toujours plus loin dans la représentation de la réalité, Google s’affaire avec le projet Starline, un dispositif de visioconférence immersif en 3D affichant votre interlocuteur sur un écran dédié laissant croire qu’il est réellement en face de vous dans la pièce. Je te le dis, le temps où l’on pourra reproduire en visio tous les usages de la vraie vie n’est plus très loin. Reste à améliorer la réalité virtuelle et les hologrammes et on y sera.
Toujours dans le domaine de la visio, Zoom poursuit et consolide sa croissance en se diversifiant dans le hardware. Après avoir présenté ses solutions Zoom for Home avec DTEN ME, le géant de la téléconférence vient d’investir 30 millions de dollars dans la société norvégienne Neat, spécialisée dans des équipements spécifiques visant à faciliter les interactions de groupes distants en vidéo. Il faut dire que Neat, créée il y a seulement deux ans (ils ont eu du nez… ) connaît une croissance phénoménale puisque sa valorisation s’établit à ce jour à 640 millions de dollars.
N’oublions pas Cisco Webex, l’un des pionniers du secteur (dont est d’ailleurs issu le Eric Yuan, le fondateur de Zoom), qui s’intéresse de près au confort auditif lors des appels vidéo. S’il est un domaine crucial sur lequel il y a encore des efforts à faire, c’est bien celui de la qualité du son, car paradoxalement, même quand on parle de vidéo, le son reste essentiel au bon déroulement des communications. Cisco a récemment acquis BabbleLabs, une société spécialisée dans le traitement du son et prévoit d’intégrer sa technologie d’intelligence artificielle dans sa division de collaboration afin d’améliorer la qualité audio des participants aux réunions Cisco Webex et d’éliminer les bruits de fond.
Chez Apple, outre FaceTime, on s’intéresse aussi à la reproduction de la vraie vie entre personnes distantes, même pour des usages moins “pro”, voire plus futiles, comme ce projet de selfie de groupe.
À côté des géants du secteur, côté logiciel se développent des myriades de start-up qui se donnent pour mission d’améliorer et d’humaniser les conversations vidéo. Mmhmm fait partie de ces dernières. Si son nom est à peu près imprononçable, ses produits valent vraiment le détour, notamment cette nouvelle app pour iOS permettant d’inclure deux personnes en visio dans le même décor, comme si elles étaient ensemble.
Il y a aussi les start-up qui se sont engouffrées dans le succès de Zoom pour proposer des extensions malines au géant de la visio. C’est le cas par exemple de Grain qui propose une application de captation de contenus dans Zoom afin de les partager facilement sur d’autres plateformes comme Twitter, Discord, Notion, Slack ou encore iMessages.
Les start-up innovantes dans ce domaine sont légion, et il serait trop long d’en dresser un tableau exhaustif, mais on peut encore mentionner Around par exemple, qui propose une façon d’interagir particulièrement innovante à base d’intelligence artificielle, ou Meet Cam et ses widgets virtuels. Des start-up proposant des innovations qui visent à améliorer l’expérience de la visioconférence, en la rendant plus fluide, plus intuitive, en un mot, plus intelligente. Un excellent tour d’horizon ici. Même si l’article date d’un an et demi, il est encore parfaitement d’actualité.
Enfin, rappelons également que Google améliore régulièrement Google Workspace, et que la firme a présenté récemment Smart Canvas, un espace collaboratif censé rapprocher les intervenants avec de nombreuses fonctionnalités, dont la visio intégrée.
Humaniser les échanges ? Regardez du côté de Zoom (again) Immersive View, et de Microsoft Teams et le mode “Ensemble”, avec leur espace de discussion vidéo rassemblant les participants dans une même pièce, virtuelle, évidemment.
Je ne pourrai pas finir ce tour d’horizon sans parler d’audio, qu’il soit live et social (Clubhouse ou Twitter Spaces) ou plus traditionnellement sous forme de podcast. Là encore, “faire comme si” on était dans la même pièce, ou en l’occurrence dans le même studio, pour enregistrer une émission, est un enjeu crucial à l’heure du télétravail. Des plateformes comme Zencastr permettent de tour de force en garantissant une qualité audio optimale et égale, même si les intervenants sont à plusieurs centaines de kilomètres de distance. C’est ce que nous utilisons pour le podcast Automobile Propre.
Les environnements de travail s’adaptent et innovent également. Comme le décrit cet article du JDN, les technologies vont faciliter le travail hybride :
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Des capteurs d’occupation pour suivre le comportement des employés afin que les organisations puissent visualiser les schémas d’utilisation de leurs bureaux et prendre des décisions fondées sur des données pour recâbler ou réaménager l’espace.
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Des outils de collaboration hybrides tels que des outils de partage de fichiers, des logiciels de gestion de projet et des documents partagés.
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L’utilisation d’outils de communication synchrones et asynchrones pour donner aux employés une plus grande flexibilité dans la façon dont ils communiquent entre eux, quel que soit l’endroit où ils travaillent chaque jour.
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Des salles de streaming sur site équipées de la technologie de visioconférence et de caméras vidéo intelligentes pour faciliter au maximum la connexion des travailleurs sur site avec leurs collègues travaillant à distance et vice-versa.
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Des salles de réunion câblées pour permettre une communication hybride grâce à des tableaux blancs intelligents, des technologies de vidéoconférence et des écrans.
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Un logiciel de réservation de salles et de bureaux pour faciliter le retour au bureau d’une main-d’œuvre hybride.
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Des salles de discussion individuelles pour que les employés sur site puissent se plonger dans le travail en solo.
Du télétravail au métavers ?
J’écris ceci quelques heures avant la très attendue conférence de Facebook sur son fameux métavers, dans lequel le réseau social a prévu de dépenser 10 milliards de dollars et d’embaucher 10.000 personnes en Europe pour travailler sur le sujet dans les prochaines années.
Je me demande si la pandémie n’a pas accéléré aussi ce mouvement vers un internet totalement immersif dans lequel nous pourrons nous projeter et évoluer avec d’autres à l’aide de notre moi virtuel représenté par un avatar que nous façonnerons (ou pas) à notre image. Second Life avait eu cette vision il y a près de 15 ans, mais ce fut un échec.
Il se pourrait que cette fois les planètes soient alignées, tant du point de vue de la technologie que de l’état d’esprit, et que nous soyons prêts pour le Grand Soir.
Je suis convaincu que le télétravail n’a été qu’une étape vers cette évolution plus ludique et plus universelle, mais qu’il restera un élément crucial de ce nouveau monde virtuel.